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Des « Bahutiens » venus d'ailleurs

Un concours de circonstances,dont je suis particulièrement heureux, aujourd'hui, m'a permis d'atterrir au Lycée Charles et Adrien DUPUY situé sur la colline de Roche Arnaud au PUY en VELAY. En situation de responsable, j'ai côtoyé très vite une Association d'Anciens Élèves dite « fraternelle » - ceci fortement vérifié par la suite -. Les responsables de l'association des années 90, Maurice GARDES, Raymond LONGO, Julien VERDIER, et d'autres, ramenaient souvent en discours, l'époque de 1937-1947, période de leurs vies de bahutiens

Je fus frappé, en découvrant le fort attachement à l'Association, de personnalités alsaciennes qui avaient partagé les bancs du Lycée, alors situé rue LAFAYETTE. Je gouttais pleinement les venues de Jean KAHN et de Jean MEYER au Puy qui, hier réfugiés en Haute-Loire, renvoyaient, avec une réelle émotion, les souvenirs de solidarité et de fraternité, qu'ils avaient vécus au bahut et au dehors. L'un comme l'autre, m'ont rendu par la suite d'énormes services, pour construire des animations pédagogiques permettant aux élèves d'aujourd'hui, de connaître cette période, si triste de notre Histoire. J'avais émis l'idée, il y a deux ans, de faire revenir Jean MEYER au Puy, afin qu'il puisse porter témoignage, avec d'autres, de sa vie de bahutien sous « l'Occupation ». Hélas un contretemps malheureux, le cloua à STRASBOURG. Obstiné, j'entrepris avec Jacques MOULEYRE un voyage en Alsace, afin de l'interviewer.

Parallèlement à cela, Raymond LONGO prit l'initiative d'interpeller Gilbert CAHEN, adhérent à notre association, afin de tenter d'obtenir un témoignage écrit de ses souvenirs. Ce que fit Gilbert CAHEN sous la forme d'un manuscrit :
« Itinéraire d'un lycéen au Puy de 1939 à 1945 »
Dépositaire de ce témoignage, qui ne se veut pas exclusif, le Conseil d'Administration de l'Association m'a chargé de faire un article avec des extraits de ce document extrêmement intéressant, afin de vous donner l'envie de le consulter en sa totalité, sur notre site Internet. Le mémoire de Gilbert CAHEN sera disponible dès les premiers jours de janvier 2009, ainsi que l'interview de Jean MEYER, et pourquoi pas d'autres souvenirs émanant de tel ou tel d'entre vous ayant vécu cette époque.

Voici donc, encadrés par mes soins, quelques extraits du mémoire de Gilbert CAHEN :

« Itinéraire d'un lycéen au Puy de 1939 à 1945. »
Sans oublier d'en analyser les causes profondes, Gilbert CAHEN nous relate sa migration depuis St AVOLD (Lorraine) jusqu'au PUY en VELAY où il vient se réfugier avec sa famille. Il séjournera au quartier de la Renaissance à CHADRAC, site repéré par un fils de la famille HELLER de STRASBOURG, qui dirigeait une succursale de l'entreprise HELLER-KLING implantée à LYON (KLING étant l'oncle de Gilbert CAHEN).

La famille a loué la maison BADIOU-TESSIER sur deux étages, et s’y installe dès la fin de l'été 1939 et Gilbert fera illico sa rentrée scolaire.
« Il a fallu m'inscrire au lycée, mais je n'avais aucun papier prouvant qu'en Juin, j'avais passé l'examen d'entrée en Sixième au Collège de FORBACH… C'était la Directrice du lycée de jeunes filles, place du Breuil, qui à l’époque recevait les inscriptions pour le lycée de garçons Charles et Adrien DUPUY… En Sixième, j'ai eu la chance d'avoir d'excellents professeurs, tels : en Français Latin, une agrégée rapatriée du lycée français d'ALEXANDRIE, Madame DONNET, en Maths, une dame distinguée dont j'ai oublié le nom, en Sciences Naturelles un vieillard érudit : M. CACHARD. Parmi mes condisciples - que j'ai appris à connaître par la suite, et jusqu'en Première, la plupart devaient déjà être dans cette Sixième : Christian COL, Jacques DEMEURE, André de MOURGUES, François DURAND, BEUGNOT, PANDRAUD, MOUNIER, BAYET, TAVERNIER, CHAURAND, FORESTIER, MASSARD, ROUSSEL, EXBRAYAT, d'autres noms me sont devenus familiers : GARDES, PIETRUSKA, PRAT… ainsi que KLEIN, BERTOVIN et EBSTEIN, israélites… »

Il raconte diverses péripéties de son séjour sur la place du Puy, mêlant les évènements historiques et leur vécu, à la fois au sein de l'important contingent de réfugiés israélites, dans le quartier de la Renaissance, que dans l'enceinte même du bahut de la rue LA FAYETTE.
- « Le Régime de VICHY instaure sa « Révolution Nationale ». Au lycée, nous devions le matin avant les cours, assister au lever des couleurs et y chanter le troisième couplet de l'hymne national dit : « Couplet du Maréchal » C'est là qu'un condisciple me dit un jour : « Qu'un juif n'avait pas le droit de chanter la Marseillaise » La propagande continuait ses ravages, insultes, taloches fusaient à la récréation ; une bande d'excités poursuivait les petits juifs à la sortie, allant jusqu'à les rouer de coups dans les ruelles avoisinantes… Dans l'ensemble le corps enseignant est resté bienveillant et sourd à la propagande antisémite…»

- « Après le lever des couleurs auquel je faisais allusion, nous avions un cours de chant et le professeur Melle SICARD, voyant mes larmes et s'enquérant de la cause, m'a aussitôt conduit avec mon insulteur chez le Censeur, un alsacien M. RUOLD, lequel a blâmé le coupable, et, je crois, l'a puni, à la visible satisfaction de Melle SICARD
- « En avril 1943, un condisciple, que, je connaissais à peine J.P. PIETRUSKA, m'aborda à la récréation…

D'ascendance polonaise, il m'avoua que dans sa famille, des militaires de père en fils, on avait été antisémite par tradition et qu'à présent il en avait honte. J'ai été très sensible à cet aveu et davantage encore lorsque, quelques mois plus tard, il m'apprit la mort de son père tombé au champ d'honneur, dans les rangs de l'armée ANDERS, le corps expéditionnaire polonais qui combattait en Italie auprès des Alliés… »

G. CAHEN retiendra aussi la solidarité entre lycéens, opposés parfois à un certain professeur, trop engagé dans sa germanophilie.

« A la rentrée de je ne sais quelles vacances, le professeur s'est mis en tête de nous assigner nos places et m'en a désigné une, au dernier rang, alors que malentendant, j'étais habituellement au premier.
J'ai eu beau rappeler mon handicap, il persistait avec un sourire ironique, à me désigner le fond de la classe. Il a du cependant céder aux protestations de mes camarades et en particulier d'André de MOURGUES (à qui je voue un souvenir reconnaissant) »

De nombreuses narrations de faits précis, d'anecdotes hyperintéressantes, jalonnent son récit, et ceci jusqu'à son retour du Puy vers sa ville natale de St AVOLD. Avant son départ, très affecté de quitter la ville, ses amis et certains professeurs, il rend une dernière visite.
« Avant de partir, je pris congé de mon ancien professeur de Seconde M. DEMEURE, comme il m'avait recommandé préalablement de le faire. Il me reçut à son domicile, en présence de son épouse, à l’époque professeur au lycée de jeunes filles, et de leur fils Jacques, qui avait été pendant des années, mon compétiteur pour le prix d'Excellence. J'ai certainement exprimé ma gratitude à cet ancien maître pour son enseignement si vivant, mais je me souviens particulièrement de lui avoir dit la peine que j’éprouvais à quitter le PUY – un arrachement - et, la réponse qu'il me fit : “ Non ma destinée était de reprendre ma place dans la région de mes origines et d'y faire face aux défis d'une existence normale, ce à quoi m'aideraient grandement les études que je me devais de continuer à réussir "…»
Voici donc quelques extraits bahutiens dévoilés afin de vous mettre en appétit de lecture. J'espère vous avoir servi un bon apéritif !
Paul CALMELS

Monsieur Gilbert CAHEN est aujourd'hui, domicilié en ISRAEL, et gardant un souvenir ardent de son périple ponot, il a, en l'occurrence, montré son attachement à notre Association. Qu'il en soit, grandement et chaleureusement, remercié.

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