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Discours de Christian Chapon lors de la 132e Charlemagne

Mes chers camarades,

Croyant échapper à une association qui s'est avérée plus opiniâtre que je ne l'avais prévu, en me faisant le plus discret possible, au fil des années, devinez ma surprise et mon désarroi, quand quelques uns d'entre vous, me sollicitaient pour la Présidence d'un jour, il y a quelques semaines à peine !..

Trop conscient de mes qualités d'orateur, mais aussi des flous de mémoire qui m'assaillaient, ce fut un Niet catégorique! Eh puis, je n'étais qu'un externe, un élève besogneux et assez effacé, bien loin de tous les ténors, et autres grands intellectuels si beaux parleurs, que je me suis demandé de quoi je pourrais bien vous parler, si j'acceptais un tel honneur… Finalement, on me demandait la chose, comme un service, la maladie ayant frappé celui que j'étais censé remplacer, le devoir de mémoire s'est peu à peu imposé à moi, et, après la production du trombinoscope réglementaire, je me suis obligé à un raz-de-marée de presque 60 ans en arrière, bel exercice pour mes artères cérébrales ! J'ai hésité à faire un petit voyage dans le temps, que vous avez dû maintes et maintes fois entendre, ou à évoquer des souvenirs personnels mobilisant ainsi votre attention pour bien. peu !

Mais, face à vous, visages familiers, ou amis, l'émotion du passé s'impose à moi, par bouffées de souvenirs multiples et variés :

Au bahut, j'y suis entré par la petite porte rue du Bessat, le gros platane de la cour était déjà bien jaune, et le préau avait tout l'air d'un cloître, mais avec le père Chapot, ce ne fut que du bonheur.

Puis, ce fut le grand saut dans le secondaire, très appréhendé par mon institutrice de mère, la garde-robe est renouvelée, pompes et béret compris, sans oublier les multiples recommandations… 8 heures d'une journée ordinaire, le pipelet vient d'ouvrir la grande porte, et, c'est le premier contact avec les pendus qui nous attendent chez eux et de pied ferme… un certain Jojo au regard acéré, nous aligne par deux, nous sermonne et nous oriente dans le dédale des cours, puis, c'est le début du grand carrousel, avec autant de face à face redoutés que de profs par matières. Sans trop redoubler, on devient bahutien confirmé, les années passent, les profs défilent, les gouvernements aussi, y a la guerre d'Indochine, les déboires du 37e parallèle et les bombardements d'Haiphong, Sydney Béchet nous arrive avec Summer time et Petite fleur, l'ambiguïté de l'adolescence nous habite déjà, 14-16 ans, qui suis-je ? ou vais-je ? y en a qui s'enfoutent, et, d'autres que ça angoisse déjà. Souvenez-vous du père Bout dit Miladiou,la classe de Sciences Nat perdue au fond du bahut avec son immense vitrine véritable caverne d'Ali Baba et le savant qu’il était s'évertuant à nous expliquer les amours coupables des coléoptères comparées à celles infiniment plus tristes des hermaphrodites. Que dire des cours de musique, censés adoucir nos moeurs, avec la Miss Sicard, alias 3/2 si parfumée, mais mal poudrée, petite bonne femme d'un mètre cinquante, chignon compris, juchée sur son tabouret, plantant son regard bleu à travers d'épaisses lunettes sur une classe de rigolards, l'attaque au piano dans un fortissimo convainquant l'empêchait d'atteindre les pédales, remontant sa gaine et du coup son opulente poitrine masquait le clavier du vieux piano grinçant, combien de goujats toujours enrhumés ont-ils défilé devant ce piano ? !

Eh puis Pilou Pilou ! le seul, l'unique, à l'immense et sempiternelle popularité, certes, la matière était ardue, la grande baie vitrée dispensait sa clarté aux gradins du haut, où nous nous prélassions armés jusqu'aux dents, face à cette frêle silhouette en blouse grise qui s'agitait dans l'arène, le regard apeuré et angoissé, parfois au bord des larmes, quand le projectile s'écrasant au tableau était de taille respectable. Combien de cruautés, avec les crayons transformant les tables en autant de bascules, l'estrade sur roulement à bille, les avions en papier, les régles transformées en sarbacanes pour des tirs nourris de boulettes de buvard mâchouillé, non seulement au tableau, mais aussi au plafond, tels des phallus que notre Pilou essayait de décrocher, impuissant et désabusé.

Souvenez-vous du père Naneix, rien à dire, impérial cet homme qui m'a livré enfin, les secrets de la version latine, et, expliqué pourquoi Chimène ne pouvait aimer Rodrigue, et pourquoi Phèdre était une incomprise !!! Souvenez-vous du père Picon, grand philosophe, si clair, si érudit si exigeant aussi, avec son regard qui vous transperçait, et sa mèche rebelle qu'il remontait sans cesse d'un coup sec, c'était l'anti Pilou par excellence, et grâce à lui, le Bac n'était plus qu'une formalité !

Souvenez-vous du Nabot tout de gris vêtu, du Tonton avec ses guêtres de cuir, de Balèche roi des ascètes, du Picard ventripotent, de l'adorable père Sigaud du rêveur Gounod et du charmant Lovreglio… Tout ce joli monde, sous la houlette de Barca, père de deux adorables créatures, que tous ont essayé d'entrevoir un jour ou l'autre, tout en sachant que la convocation dans le bureau du Proviseur, sentait le roussi à tous les coups ! Sans parler de la Jacqotte du père Pipelet, qu'on guettait dans les grands escaliers et dont les attributs alimentaient nos fantasmes naissants.

Voilà comment nous avons été façonnés, par des maîtres compétents et attentionnés, exemplaires, ils ont préparé et cédé leur place à d'autres, en d'autres lieux, pour faire de nous des hommes dans la société. La transition n'en a été que plus facile… ma vocation bien ancrée, de potache, je suis devenu carabin, puis, par la suite, j'ai été emporté dans le tourbillon des études médicales, des concours, imposant toujours un travail acharné, certes entrecoupé de bringues mémorables, avec à chaque instant une remise en question probablement grâce à une tête bien faite, avant qu'elle ne soit bien pleine.

Au départ, l'anatomie humaine m'était si familière, que je voulais être chirurgien, pour finalement devenir cardiologue, beaucoup plus à la mode, il a bien fallu ingurgiter les maths, la chimie et surtout la physique, cher Pilou et cher Tonton !!!

Quinze ans plus tard, de retour dans cette bonne ville du Puy, que de choses avaient changé, et, surtout mon vieux bahut de la rue Lafayette, avait "émigré à Roche-Arnaud, ses vielles pierres si attachantes, l'âme des salles de cours du rez-de-chaussée, font les beaux jours d'un délicieux collège qui vieillit tellement mieux que Roche-Arnaud...

Mais Ô surprise, j'ai revu alors quelquesuns de nos anciens profs mais cette fois derrière mon bureau, au chevet de leur lit, ou, à l'hôpital, pour soigner, expliquer, convaincre et rassurer. Quelle revanche, mais aussi quelle fierté, d'avoir accompagné certains d'entre eux à la fin de leurs jours, certains et pas des moindres, des noms, des noms, qeudalle, secret médical oblige !!!

Et finalement, que croyez-vous que sera le lendemain, quand c'est le passé qui chante ???

L'école d'aujourd'hui, se doit d'être contraignante, mais aussi bienfaisante mais combien plus compliquée, en nous obligeant à constater, qu'on brûle parfois ce qu'on a adoré, au propre et au figuré ; que penser en effet, des écoles maternelles qui partent en fumée, et, quand bien même, le bonheur n’y est pas toujours idyllique, comment expliquer la violence à l'école, le garçon qui ose poignarder un camarade ou un professeur, le lot quotidien d'agressions verbales et physiques, dont est victime le corps enseignant tout entier, créant ainsi une ambiance qui nous interpelle douloureusement : les causes en sont multiples et traduisent sûrement une grande souffrance ; beaucoup travaillent pour y remédier et pour que raison l'emporte dans le respect des vraies valeurs, fondements de notre société.

La tâche est certes ardue, mais ces dures réalités, ne doivent pas nous faire perdre confiance dans l'avenir, et, ne doivent pas décourager les vocations d'enseignants à naître, sachant que le métier de prof est et sera un des plus beau qui soit, dans cette merveilleuse relation entre le maître et l'élève, l'élève, ayant appris quelque chose qui reste, c’est-à-dire la vie tout simplement !!!

Je lève mon verre à l'amitié d'une association, à qui je souhaite longue vie… à notre bahut et à ses maîtres… à la réussite et au bonheur de tous les jeunes élèves…

MERCI.

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