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Souvenirs de Bahutien au temps des années troubles

Monsieur Jean MEYER, nous a accueilli, Jacques MOULEYRE et moi, chez lui à Strasbourg en Janvier 2008, malgré les ennuis de santé dont il se remettait lentement. Interview portant sur les années passées en Haute-Loire, où s’était réfugiée sa famille. Il fut bahutien rue Lafayette et nous rapporte quelques souvenirs. En voici quelques extraits.
( Redite pour ceux qui sont allés visiter notre site Internet, mais nous avons pensé à ceux qui en sont privés. )
1) - En quelles circonstances avez-vous quitté Strasbourg pour vous réfugier au Puy en Velay, ou dans les environs ?
Début 1939, mon père loua un appartement ( quatre pièces ) à la Renaissance, quartier neuf de Chadrac, en vue d’y passer des vacances et éventuellement qui puisse servir de base de repli. Appartement situé dans la maison ‘’TOLLEMER’’ qui en contenait sept, et qui a accueilli ma famille, ainsi que celle de mon oncle M. HIRSCH ( sa femme et ses deux filles ), et celles d’autres strasbourgeois ou bien des familles de Saverne. Personnellement j’étais en camp d’Eclaireurs de France dans les Alpes avec mon grand ami, Jean-Claude LEVY, quand nous avons tous deux regagné le PUY ( Jean-Claude était le fils du futur bâtonnier de Strasbourg ).
Mon père avait replié son affaire de négoce en tissus, à Bourbonne-les-Bains (Haute Marne) jusqu’à la débâcle de 1940, avant que de ne regagner le Puy. Il a perdu à cette occasion une grosse partie des marchandises, les allemands ayant volé les wagons prêts à partir pour le Puy.
Justement parlons-en de la débâcle ! A la Renaissance, j’ai vu passer un régiment entier commandé par un maréchal des logis. Il n’y avait plus d’officiers, on ne savait où ils étaient. Dans ces circonstances, à la fois cocasses et troublantes, mon cousin BLUM qui est perdu sur le bord de la route, aperçoit ma tante, et ainsi va s’installer au PUY.
Un autre de mes oncles, qui a épousé une Belge, arrive avec toute sa famille. Le groupe ‘’MEYER’’ devait dépasser les cent personnes. (Il en était de même et plus, pour les familles HELLER et KLING autres strasbourgeois). Avec toutes ces arrivées massives de réfugiés, nous devions bien être, 400 ou 500, dans le quartier de la Renaissance, certains logés dans des conditions très limites.
2) – Parlons, si vous le voulez, de votre acclimatation à la Haute-Loire. Aviez-vous, en ce lieu, le pressentiment d’être pourchassé, d’être contrôlé ?
Il faut dire, que j’ai eu une scolarité répartie sur trois lieux. D’abord au Puy, au lycée Charles et Adrien DUPUY, puis les circonstances m’ont amené à Brioude, enfin à St Chamond chez les pères ‘’maristes’’. Mais nous y reviendrons par la suite.
Dans les villes on pensait plus aux problèmes de nourriture, qu’aux hostilités diverses. ‘’L’antisémitisme’’ ne paraissait exister que partiellement, ici en Haute-Loire, par rapport à d’autres lieux du territoire français. D’ailleurs à ma connaissance, on ne peut noter qu’un nombre restreint de dénonciations suivies d’arrestations.

Une preuve me semble-t-il de cette affirmation, est que, à la Renaissance, au milieu de nous tous, habitait le Président de la ‘’Légion ponote’’ ; on ne peut pas dire qu’il ne savait pas que des dizaines de juifs logeaient près de chez lui. Autre anecdote : En Octobre 1939, un camarade de lycée est étonné de : « connaître un juif, pour la première fois ! » et me fait part de sa surprise. Il n’y donna aucune suite, même si, à la Libération, il fut arrêté en situation de ‘’collabo’’, notamment pour avoir tiré sur la foule des ponots qui fêtaient la libération.
3) - Pouvez-vous évoquer, maintenant quelques souvenirs du lycée ?
Il faut dire :les établissements scolaires, au Puy, à Brioude, à St Chamond, fréquentés pendant mon séjour en situation de réfugié.
D’abord ce fut le lycée Charles et Adrien DUPUY, au Puy, où j’ai suivi les études depuis la 3ème, jusqu’en 1ère, dans des classes avec options Latin et Grec. Même si les souvenirs marquants demeurent, les escapades vers les Estables pour le ski, (parfois simplement sur les hauteurs du Puy), ou bien les baignades entre jeunes, je retiendrais surtout la franche camaraderie avec mes condisciples qui savaient que j’étais ‘’un juif’’. Il y avait ce moment solennel ‘’du lever des couleurs’’. Mais aussi, l’on faisait chanter dans les écoles, l’hymne à la gloire de PETAIN, cela va sans dire que nous le transformions avec humour, et cette complicité collective nous rapprochait. Je garde un souvenir précis et ému de certains professeurs, entre autres le ‘’père COL’’ professeur de Lettres, (son épouse, Directrice de Collège, avait un moment hébergé ma sœur chez elle), M. DEMEURE professeur de Lettres Classiques, etc. Souvenirs très forts, des jeux, des cris, lors des baignades situées dans le canal de Brives-Charensac, puis dans le canal d’arrivée d’eau des papeteries ‘’TERLE’’ d’Espaly. C’est là que se situaient les entraînements de compétitions de natation. . Mais c’est surtout, suite à mon implication au niveau des Eclaireurs de France laïques (E.D.F.) que j’ai vécu des moments extraordinaires. L’ambiance y était super, pendant les sorties organisées, mais surtout et aussi pour assurer les repas, lors de ces camps en pleine campagne. Bel endurcissement pour apprendre la vie, tant et si bien que de nombreux copains éclaireurs, ont par la suite, participé aux combats. Je garde fortement en mémoire les échanges avec les copains GARDES, TESTARD, ARCIS, J. KAHN, J. FAURE… Mais il y a aussi des rencontres avec des E. D. F. de Lyon, venus en camp en Haute-Loire et qui nous faisaient passer des journaux clandestins. Ce qui m’a conduit, plus tard, à me mêler à quelques actions en faveur de la Résistance.
Suivent dans les questions suite du 3, 4, 5, les récits de ses moments passés à Brioude, à St Chamond, ainsi que de ses retours au Puy. -« En Septembre 1944, suite à la libération du Puy, après quelques jours passés sous les ordres de l’aspirant Paul AURIOL, j’ai rejoint mon ami Ric HEIMMENDINGER, aux F.F.I. dans le 1er Bataillon ANDRE - demie Brigade GEVOLDE - dans lequel j’ai combattu par la suite jusqu’en septembre1945 »-
6) – Aujourd’hui, avec recul, quel regard portez-vous sur cette période mouvementée de votre vie ?
Il est clair, pour moi, que l’ouverture à la vie, pour un jeune de mon âge, a ses propres racines au Puy ou dans cette région ( Brioude ou St Chamond ). Même si, parfois, se posaient des problèmes de nourriture, ils étaient réglés par des déplacements à vélo qui drainaient immanquablement des péripéties amusantes ou émotionnelles. Elles sont fichées dans la mémoire, mais à leur niveau anecdotique.
Les trocs, les barrages ne sont que des incidents. Il faut surtout retenir les signes forts de l’amitié, mêlée de reconnaissance et de respect, vis-à-vis d’un certain nombre de personnes qui ont pris des risques pour nous venir en aide. Cela à tous les niveaux de la société : depuis les responsables ( Inspecteur d’Académie, Capitaine de Gendarmerie, Mgr MARTIN, etc. ), jusqu’aux petites gens, à la campagne, et en ville, qui nous ont hébergé. Cette solidarité est capitale, c’est surtout ce qu’il faut retenir.
Tout ceci reste profondément formateur, pour le jeune que j’étais et a crée des liens indélébiles dans cette région, il n’y a qu’à voir : au niveau de l’Association des ‘’Anciens Elèves du Bahut’’, les réelles amitiés demeurent. ( La preuve vous êtes là tous les deux ).
Pour nous réfugiés, le Puy fait partie de notre vie, et cela à jamais !!

Merci Jean, de ta générosité, de ta disponibilité.
Paul Calmels –

Les Cahiers de la Haute-Loire publient dans leur dernier numéro n° 2008, paru en mai 2009, les souvenirs de trois anciens élèves du Lycée, Jean MEYER, Gilbert CAHEN et François-HubertFORESTIER.
Vous trouverez le sommaire de ce numéro sur le site www.cahiersdelahauteloire.fr , vous pouvez vous le procurer au prix de 30 €, payement par chèque à établir au nom des Cahiers de la Haute-Loire en l’adressant aux Archives départementales de la Haute-Loire, 4 avenue de Tonbridge 43000 Le Puy en Velay.

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