Souvernir... 2)  La débacle. 
La « drôle de guerre » : signe précurseur.
    Mon grand-père, décédé 
au début mars 1940  a vu clair en dépit des rodomontades de la propagande officielle (je me rappelle les affiches : « Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus forts », figurant une mappemonde avec, en couleur, toute l’étendue de l’empire colonial). Je pense qu’il voyait un signe de faiblesse et d’impréparation dans le fait que l’armée soit restée pratiquement l’arme au pied, terrée derrière la ligne Maginot, pendant toute la conquête de la Pologne par les Allemands et son partage avec leur alliée du moment, l’U.R.S.S., et assistant, impuissante, à l’attaque de la Finlande par cette dernière. Il m’exprimait son amertume de ne voir  l’héroique résistance de ce petit pays, guère soutenue autrement que par des hommages verbaux.
    C’est à croire qu’en haut lieu on espérait n’avoir pas à combattre, voire conclure une paix séparée. On démobilisa une classe des plus âgées, ainsi que, en fonction du nombre d’enfants, des pères de famille des classes voisines – dont le mien – ce qui du moins leur aura évité la captivité en Allemagne. Mais peu après, en avril, l’Allemagne reprenait l’offensive, occupant le Danemark et conquérant la Norvège .
    En Lorraine  et en Alsace de nombreuses familles de l’arrière de la ligne Maginot, 
Metz entre autres, jugeaient prudent  de se réfugier à l’intérieur  de la France. C’est ainsi que nous avons vu arriver au Puy ma tante et mes cousins de Thann (Haut-Rhin) qui ont trouvé un appartement à 
la Renaissance .
Le déferlement (Juin 1940). 
    
    Début mai, la grande offensive allemande  se produit à travers  la Hollande , la Belgique, le Luxembourg, puis la France, par 
la trouée de Sedan , prenant  à revers  la ligne Maginot  et se ruant  d’une part  le long de la Meuse  vers la frontière suisse  (pour isoler la Lorraine et l’Alsace) et d’autre part vers l’ouest et la Somme, pour couper de ses arrières l’armée française et le corps expéditionnaire anglais qui s’était portés au secours des Belges. Saisies de panique, les populations civiles se jettent sur les routes, les embouteillant, entravant le ravitaillement des troupes, s’exposant au mitraillage en piqué des ‘’Stukas’’, les chasseurs allemands. (Favorisés par la quasi-inexistence  d’une aviation militaire française.)  
        C’est lors de ces jours   dramatiques qu’un groupe d’enfants  belges – un peu plus grands que nous – est introduit dans notre classe  de maths.  Ils se sont enfuis en toute hâte  de leur école, d’un village de Wallonie, à l’approche des  Allemands, avec leur instituteur, sans avoir revu leurs parents et sur les routes de l’exode, ont échoué au Puy. A leur  entrée  notre prof de maths nos demande  de nous lever et à eux, de chanter leur hymne national – la ‘’Brabançonne’’ – puis à nous, ‘’la Marseillaise’’... Ils ont été hébergés au lycée ; nous avons été priés  de leur apporter des serviettes et autres ingrédients. Quelques temps après, une unité de l’armée belge  étant venue camper  sur le Breuil, ils ont été leur demander - je crois sans grand succès – des nouvelles de leur village et de leurs parents. (Leur incertitude aura pris fin après l’armistice : et leur rapatriement).
    La débandade n’a pas tardé à gagner nos troupes, même si certaines unités, comme celle  de GAULLE à Montcornet, ont fait front, et à ce spectacle, qu’habitant à la Renaissance au bord de la grande route venant de Lyon et St Etienne, j’ai eu, si je puis dire, le privilège d’assister aux premières loges, pendant quatre ou cinq jours qui sont restés gravés  dans ma mémoire : 
Le 1er jour : Un défilé constant et ininterrompu de voitures de tourisme (qui  avaient été réquisitionnées), transportant  des officiers  galonnés, beaucoup conduites par leurs chauffeurs;  le bruit court que l’armée se regroupe à Toulouse.
Les 2ème et 3ème jours : suivent 
les hommes de troupe , dans un défilé constant  et ininterrompu de camions militaires, avec quelques cuisines roulantes ; mais beaucoup de soldats sautent à terre, pour prendre  les boissons, pommes de terre  en robe des champs, etc. que nous leur tendons.  Surprise: nous reconnaissons en l’un d’eux un ancien voisin de  
St Avold et mes parents, dans un autre convoi, 
un ancien collègue grainetier en gros, de mon père, de Nancy, qu’ils font monter  dans notre appartement ; là, il s’effondre en larmes : il venait d’apprendre la mort de sa femme et de leur bébé, sur les routes de l’exode, au cours d’un mitraillage  de ‘’Stukas’’.
 Le 4ème jour : Le bruit court que les Allemands approchent de la Haute-Loire. Mon père envisage que nous fassions nos valises et nous enfuyons à Toulouse. C’est alors qu’intervient l’armistice (22 juin).Quelques jours après : nous voyons apparaître mon oncle Léon qui, en tant qu’allemand, avait été interné au cours des hostilités dans un camp près de Roanne, bien que son fils eût obtenu sa naturalisation – le seul de sa famille, parce que mobilisable ? (il fut appelé sous les drapeaux  peu avant la débâcle) – et que d’autre part les Allemands déchussent les juifs de leur nationalité, faisant d’eux 
des apatrides . Mon oncle avait échappé à grand peine  à ses  co-détenus nazis, qui, après la fuite de leurs gardiens français, 
avaient tenté d’enfermer les juifs  pour les livrer aux envahisseurs. Ils avaient parcouru à pied la moitié du trajet. (Cette mesure d’internement n’ayant frappé que les hommes, ma tante et ma cousine avaient pu rester auprès de nous. Quant à mon cousin Eric, il fut versé dans 
les chantiers de  jeunesse , créés par le régime de Vichy pour les jeunes recrues, en raison  de la limitation des effectifs de l’armée par la convention d’armistice)
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Retour - Publié le Vendredi 30 Janvier 2009
  
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