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SOUVENIRS d’un LYCEEN au PUY de 1939 à 1945

Plan :
1) -- Pourquoi Le Puy ?—Notre arrivée.
2) --La débâcle (Juin 1940)
3) – Après l’armistice : en soit disant zone libre (Juillet1940 – Octobre 1942)
4) – Sous l’occupation allemande (Novembre 1942 – Août 1944) et L'épilogue

1) Pourquoi le Puy ?

A la veille de la guerre, j’habitais toujours ma ville natale, Saint Avold (Moselle) et le berceau de ma famille paternelle depuis la Révolution. Cette ville se trouvant au - devant de la ligne Maginot, quelques 5 kms à vol d’oiseau de la frontière allemande, devait être évacuée par la population civile en cas de conflit. Des convois ferroviaires étaient prévus pour la transférer dans les lieux d’accueil officiels - Pour St Avold, Ruffec en Charente – mais les personnes ayant la possibilité de fuir par leurs propres moyens étaient invitées à le faire sans attendre l’ordre de départ - en cas d’imminence du danger. Nous l’avions fait l’été 1938, lors d’une première alerte (la guerre a failli éclater quand HITLER, après ’’ l’Anschluss’’ de l’Autriche, s’en est pris à la Tchécoslovaquie, à laquelle la France et l’Angleterre avaient donné leur garantie) et nous nous sommes réfugiés à Contrexéville (Vosges) – sauf mon père, rappelé sous les drapeaux avec plusieurs classes de réservistes. Nous y avons retrouvé ma famille de Strasbourg, la grande ville également située en avant de la ligne Maginot et menacée d’évacuation. L’alerte passée, après l’accord de Munich signé par CHAMBERLAIN et DALADIER, nous sommes retournés dans nos foyers, mais nous savions bien que ce répit serait de courte durée (les habitants de la frontière avaient une meilleure connaissance du danger nazi que l’opinion générale en France, ne serait-ce que parce qu’ils étaient bilingues et que certaines familles, dont la nôtre – j’y reviendrai – avaient de la parenté de l’autre côté. Du reste, même DALADIER ne se faisait pas d’illusions, qui passe pour avoir murmuré à son retour de Munich, face à la foule qui l’acclamait : - « Oh les cons ! »

Quant à ma famille, mon grand-père et sa fille ayant pris pour conjoints pendant l’annexion des coreligionnaires originaires d’Outre-Rhin, nous étions impliqués en quelque sorte dans les drames qui s’y passaient et j’ai de ce fait le souvenir d’une prédiction qui m’a profondément impressionné

Mon oncle Léon ROSENTHAL avait fui à l’arrivée d’HITLER au pouvoir, en 1933, sa ville de Göttingen, dans le Hanovre, pour se réfugier à St Avold avec son épouse, sœur de mon père, et leurs enfants, Eric, 13 ans, et Madeleine, 8 ans. Mais sa propre sœur, restée là-bas son père et sa petite famille, nous a lancé un appel au secours lors du pogrome dit ‘’de la Nuit de cristal’’, organisé à l’échelle nationale par le régime nazi les, 9 et 10 Novembre 1938 (date corrigée par M. CALMELS) Son mari, un vétérinaire du nom de POHLY avait été emmené dans un camp de concentration et leur appartement dévasté. Un employé ‘’aryen ‘’ de notre graineterie familiale lui a été dépêché avec des subsides, mais surtout les démarches entreprises – je crois auprès de l’association juive Jewish Colonisation Association (dont le siège était à Londres, mais dont l’antenne parisienne était dirigée par un cousin éloigné de mon père -ont rapidement porté leurs fruits : des visas ont été obtenus pour la BOLIVIE et les POHLY ont transité par St Avold . Ils s’y trouvaient le 11 Novembre et j’assistai, avec leur fils Heinz, un peu plus âgé que moi, et ma cousine Madeleine, qui faisait office d’interprète, à l’important défilé militaire de la garnison , dont le clou était la cavalcade des spahis aux clairons retentissants et uniformes rutilants. Heinz ne tarda pas, sur le chemin du retour, à doucher mon enthousiasme : s’il y a guerre, me dit-il gravement, la France la perdra, car en Allemagne, ce qu’on voit aux revues, ce ne sont que des chars et des canons, jamais de la cavalerie. Est-il besoin de dire que j’ai souvent repensé à cette prédiction ?... Apparemment un petit adolescent avait une vision plus juste que notre généralissime GAMELIN et son état-major.

A Contrexéville nous étions convenus avec ma famille de Strasbourg – mon oncle René KLING qui avait épousé une sœur de ma mère et avait une fille un peu plus jeune que moi – qu’à la prochaine alerte il nous faudrait fuir plus loin, que Contrexéville était encore trop près de la frontière. Mon oncle était associé avec des parents et amis dans une entreprise de graineterie en gros – la maison ‘’HELLER et KLING’’ –de Strasbourg, qui possédait une succursale à Lyon, dirigée par un jeune fils HELLER. Il a proposé à mes parents de charger ce dernier de nous réserver un appartement dans la région lyonnaise. Or le dit Georges HELLER a fait savoir que ses recherches l’avaient conduit jusqu’au Puy et qu’il avait découvert tout un quartier neuf (La Renaissance, commune de Chadrac), avec de nombreux appartements à louer. Il en a réservé avant l’été – ou la fin de l’été – 1939 pour diverses familles, surtout strasbourgeoises, qui lui en avaient donné mandat : pour nous, au premier étage de la maison ‘’BADIOU – TESSIER’’, pour mon oncle KLING, son frère et un de ses cousins, et pour leur entreprise la maison ‘’DUCLAIROIR’’, et dans des maisons voisines pour d’autres familles de Strasbourg ( dont celles des futurs ‘’bahutiens’’ Jean MEYER, Jean Claude LEVY etc.) Je suppose qu’il était déjà à l’époque, comme plus tard, en relations d’affaires avec un grainetier en gros et exportateur de lentilles de la Renaissance, la maison ‘’GUELLE’’.

Nous avons quitté St Avold pour le Puy à la veille de la déclaration de guerre, dans les tous derniers jours d’Août 1939, quand l’ordre d’évacuation ne faisait plus de doute et avant que mon père ne soit frappé par la mobilisation générale et – quelques temps après – notre voiture réquisitionnée, il a pu nous y conduire et, peut-être relayé par mon cousin Eric, le reste de la famille. Auparavant j’ai pu voir nos voisins à St Avold s’apprêtant au départ chargeant leurs voitures stationnées tout le long de notre rue.
Nous allions ainsi occuper les deux appartements du 1er étage de la maison ‘’BADIOU –TEISSIER’’. Les propriétaires, quant à eux, habitaient le rez-de-chaussée et là une surprise nous attendait : par une coïncidence extraordinaire, M. BADIOU se rappelait avoir vu ma mère, dans son enfance, dans son village natal de Fellering (Haut-Rhin) pendant la guerre de 1914. Il faisait partie des unités qui, tout au début de la guerre avaient pénétré en Alsace par les hautes vallées des Vosges, en direction de Mulhouse, avant d’être stoppées par les allemands dans les sanglantes batailles de Cernay et du Vieil - Armand. Or il se souvenait d’avoir campé à Fellering dans le préau d’un marchand de vin (le seul de ce village, celui de mon grand-père maternel) dont la fille, d’une dizaine d’années (ma mère) leur apportait des sandwiches. (Fellering et toute la haute vallée de la Thur ne devaient plus être repris par les Allemands et ma mère et sa sœur, en costume d’Alsaciennes, faisaient partie du comité d’accueil des personnalités venues inspecter les troupes : une photo la représentant à côté de JOFFRE et DE CASTELNAU, figurait en bonne place chez nous. M BADIOU a été par la suite transféré sur un autre front – l’Yser – et a souffert d’y avoir été gazé... J’ai oublié son prénom mais me rappelle ceux de ses fils : René qui devait avoir 6 ou 7 ans à l’époque et Aimé, quinze ans environ. Leur mère, une ancienne institutrice, s’est mise en quatre pour nous aider, introduisant ma mère et ma tante chez des commerçants et les conseillant : c’est ainsi qu’elles ont pu louer et non acheter le mobilier et divers équipement.
Les vacances touchant à leur fin, il a fallu m’inscrire au lycée, mais je n’avais aucun papier prouvant qu’en juin j’avais passé l’examen d’entrée en 6ème au Collège de Forbach (il n’y avait pas à l’époque d’Enseignement secondaire à St Avold, seulement une école primaire supérieure, E.P.S.). Mais la directrice du lycée de jeunes filles, place Michelet, qui à l’époque recevait aussi les inscriptions pour le lycée de garçons ‘’Ch. et Ad. DUPUY’’ – car les professeurs hommes et, je suppose le proviseur étaient mobilisés, – a été compréhensive : elle m’a conseillé de choisir l’allemand en première langue, dans la perspective d’un retour dans notre région frontière et de réserver l’anglais pour la classe de 4ème (le regretté ‘’père DEMEURE’’ devait plus tard me persuader de préférer le grec.

En 6ème, j’ai eu la chance d’avoir d’excellents professeurs : en français-latin une agrégée rapatriée du lycée français d’Alexandrie, Mme DONNET, en Maths, une dame distinguée dont j’ai oublié le nom, en Sciences Naturelles un vieillard très érudit, M CACHARD. Parmi les condisciples que j’ai appris à connaître par la suite – et jusqu’en 1ère – la plupart devaient déjà être dans cette Sixième : Christian COL, Jacques DEMEURE, André de MOURGUES, François DURAND, BEUGNOT, PANDRAUD, MOUNIER, BAYET, TAVERNIER, CHAURAND, FORESTIER, MASSARD, ROUSSEL, EXBRAYAT ; d’autres noms ne me sont devenus familiers que plus tard : GARDES, PIETRUSKA, PRAT... Mais les trois condisciples israélites dont j’ai fait connaissance en 6ème, ne sont pas restés longtemps au Puy, KLEIN, réfugié de Sarrebourg (Moselle), BERTOIN et EBSTEIN venus, je crois, en 1940, le premier de Lyon où son père était médecin militaire et où il est retourné, le second, de Paris, et qui devait partir pour l’Algérie après l’armistice.

C’est, je crois, au cours de l’hiver 1939-1940 que s’est formée au Puy une communauté israélite autour du rabbin POLIATCHEK, réfugié d’Altkirch (Haut-Rhin) – dont le fils Jean devait aussi faire une carrière de rabbin, puis en Israël, d’universitaire - et d’anciens notables de communautés alsaciennes et lorraines. Le président en fut longtemps un strasbourgeois, père du futur président du Consistoire central Jean KHAN, lequel a dû entrer en 6ème, dans notre lycée, une année après moi. Un local loué rue Sarrecrochet, avec vitrine peinte en blanc, servait de synagogue les samedis, mais pour les grandes fêtes, une salle beaucoup plus grande était louée – au moins en 1940 – au centre-ville.

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Retour - Publié le Vendredi 30 Janvier 2009

 

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